C a t h e r i n e V e r l a g u e t , auteure |
Venavi ou Pourquoi ma soeur ne va pas bienAdapté d’un texte de Rodrigue Norman par Catherine Verlaguet pour une mise en scène d’Olivier Letellier Théâtre de récit Un comédien Texte non-publié
Akouété et Akouélé, un garçon et une fille, sont nés ensemble du ventre de leur mère. Mise en scène : Théâtre du Phare puis Tréteaux de France (Cette pièce n'est actuellement pas en tournée voir dans les archives) Fabrique d'écritureQu’en est-il de ces mensonges que l’on dit pour protéger nos enfants ? Comment se construire sur un secret que l’on ne partage pas ? Extrait(…) Pour ma sœur, l'apprentissage a commencé par une fine observation des différentes étapes de ce commerce. Tout d'abord, se lever très tôt le matin. Partir alors qu'il faisait encore nuit. Quitter le village. Contourner la forêt, la forêt noire comme un trou noir, noire comme une bouche qui avale tout sans ne jamais rien recracher. Entrer en ville, passer par le marché, y repérer d'un seul coup d'œil les oranges les plus juteuses – pas besoin de les goûter ! Elle avait l’œil, ma mère. Acheter. Puis, rejoindre la gare routière. Et vendre toute la journée ! La légende dit que notre mère n’a jamais revendu une seule orange acide aux voyageurs ! « Parole de mère de jumeaux ! » disait-elle. Et ses clients savaient – comme tout le monde sait- ce qui arrive aux parents de jumeaux, s’ils mentent. Du coup, le monde la croyait ! Et son commerce marchait. A la tombée de la nuit, quitter la gare routière, sortir de la ville, contourner la forêt noire comme un trou noir, noire comme une bouche qui avale tout sans ne jamais rien recracher, et rejoindre le village. Akouélé s'est vite habituée à vendre des oranges. Ça lui donnait une autre occupation que de m'attendre toute la journée et je crois bien qu'elle aimait ça : quitter le village, contourner la forêt, noire, la ville, le marché, la gare routière et vendre toute la journée. A la gare routière, Akouélé rencontrait plein de gens nouveaux. Elle qui aimait regarder et écouter, elle se régalait les yeux et les oreilles. Des gens, il y en avait de toutes sortes : des grands, des gros, des maigres, des petits, des noirs, quelques blancs, des étrangers, des locaux, des adultes, des enfants... Ici, personne ne l'appelait "la petite folle". Ici, Akouélé était tranquille. Et au village elle était appréciée, parce qu’elle ramenait aux enfants les cadeaux des voyageurs, Les villageois s’étaient habitués à sa petite taille et son histoire – notre histoire – ne faisait plus parler. Un jour notre mère est tombée malade. Ce jour-là, Akouélé est allée seule... jusqu'à la gare routière. D'un petit pas de petite fille au cœur courage, Akouélé entre dans la forêt. (…) |