C a t h e r i n e V e r l a g u e t , auteure |
Liberté, je fume ton nomSophie et Kary ont 16 ans et vivent à Fayence, en Provence. Un soir, elles rencontrent Thierry et Fred, 19 ans, venus de Marseille pour la soirée. A la fin de l'été, Sophie quitte tout pour s'installer avec Thierry, à Marseille. Elle découvre rapidement qu'il est dealer. Kary ne tarde pas à rejoindre son amie et s'intègre beaucoup mieux au groupe qu’elle. Bientôt, Sophie en a marre que rien ne bouge. Alors elle s'en va, trouve un job au théâtre municipal, un petit appartement, et tourne la page sur le groupe... et sur Kary.
Quand le roman commence, Sophie est attendue à une soirée importante où elle projette de rencontrer un metteur en scène en vogue qui lui permettra peut-être de faire ses premiers pas en tant que comédienne. Mais Kary vient la chercher, perdue et paniquée : Fred est partit avec l'argent des deals et Thierry, poursuivit par les dealers à qui il doit le fric. Les deux garçons ont disparus et Kary craint pour la vie de Thierry. Impossible pour Sophie de laisser son amie de toujours dans et état. Toute la nuit, et toute la journée d'après, les deux filles entament une course-pousuite contre les dealers, à la recherche de leurs amis. Cette quête sera, en même temps, l'occasion de se retrouver, de mettre les choses au clair et de grandir, enfin.
ExtraitIAllongée là dans le sable, j’ai l’impression d’être dans un roman. Au niveau de l’ambiance, je veux dire. Certainement la fatigue de la nuit, mais la mer, les mouettes, les vagues, la ville en bruit de fond et la partie de volley à une quinzaine de mètres, tout ça… On dirait la bande son d’un rêve. “ Le Prophète ”, quel drôle de nom pour une plage ! Même à Marseille. Je suis… à côté de mes yeux. Mon corps comme un tank et moi toute petite, au fond, à regarder le monde par ces deux trous, là, un périscope à la place de mes yeux. Une sensation bizarre. Karylou s’est endormie comme une masse dès qu’elle s’est allongée, là, sur le sable derrière les rochers, à l’abri du vent. Quand elle a débarqué chez moi hier soir, je savais bien qu’en la suivant, j’en aurais pour la nuit. C’est pour ça que je n’ai pas voulu, d’abord. Je lui ai dit que j’avais un plan, un vrai, pour le théâtre. Ma première chance d’approcher un metteur en scène connu qui cherchait justement des jeunes comédiennes. Patrick, le directeur du théâtre, m’avait gardé une place pour la pièce et une autre au restaurant, après. Depuis que j’ai fait mon stage là-bas, on est resté en très bons termes. Il croit en moi. Il ne rate pas une occasion de me placer, de me présenter des gens… C’est important, au théâtre, de rencontrer des gens ! “- Thierry est sur un banc, sur le Vieux-Port. Il nous attend je te dis ! Il est fracassé : je pourrais pas le ramener toute seule ! Tu vas pas me laisser tomber pour quelques mecs qui jouent la comédie ! ? ” J’avais pas vu Thierry depuis un an… Jusque là, Kary n’était jamais venue me trouver, respectant le fait que j’étais sortie de tout ça. Il ne s’agissait pas que de ramener Thierry chez lui. J’en étais sûre. Kary ne m’aurait pas empêché de sortir sinon. Quelque chose ne tournait pas rond - encore moins rond que d’habitude je veux dire - et si je ne l’avais pas suivie, j’aurais passé une mauvaise soirée assise au théâtre et au resto à me faire du souci et à regretter de l’avoir plantée. Parce qu’au fond, ce n’est pas tant pour eux que je m’inquiète, mais pour elle. Je ne voulais pas qu’elle reste dans cet état. Cette histoire la rendrait malade, elle avait l’air paniquée et elle avait besoin de moi. Je me suis dit que ce metteur en scène, je trouverai bien une autre occasion de le rencontrer… Je m’arrangerai avec Patrick, je l’appellerai demain... Après tout, oui, il ne s’agissait que de quelques mecs qui jouaient la comédie, même si c’était le métier que je rêvais de faire, même si c’était une occasion unique, il fallait replacer les priorités : l’amitié… Elle a bon dos l’amitié ! Je sais pas vous mais moi, au nom de l’amitié je me retrouve toujours dans de ces plans foireux ! J’avais déjà mis ma jupe et mes talons, j’étais maquillée… comme pour sortir quoi ! Elle ne m’a pas laissé le temps de me changer. Et me voilà marchant, courant, direction le Vieux-Port, récupérer Thierry, fracassé, comme d’habitude. Le long de la Canebière, à passer devant le théâtre, j’ai eu une montée de nerfs. Pourquoi j’avais suivi Kary ? Pourquoi je m’étais laissée impressionner par son regard perdu… J’aurais dû l’envoyer chier, lui dire que quoiqu’il se passe, ce n’était certainement pas nouveau et que je ne voulais rien avoir à faire avec. Ne pas, ne surtout pas s’énerver. Il était neuf heures, la nuit venait de tomber et il était trop tard, de toute façon, pour le théâtre, trop tard pour changer d’avis. Le soleil, ça réchauffe, ça apaise, c’est bien. Kary ne parlait pas. Elle attendait que je me calme avant de m’expliquer exactement la situation. Et plus elle attendait que je me calme, plus elle me regardait discrètement en coin comme elle savait si maladroitement le faire, plus ça m’énervait. Pourtant, plus on avançait, plus le temps pressait : il fallait qu’elle m’explique, que je sache ce qui se passe pour qu’on ne perde pas de temps une fois arrivées sur place. “ - Le problème, elle a fini par dire, c’est que Fred est parti avec le fric. Thierry, il y est pour rien, pour rien du tout ! Il a bien tout vendu, a mis le fric comme d’habitude planqué je sais pas où, et c’est Fred qui l’a volé et qui s’est tiré avec ! Mais les autres, ils s’en foutent que Fred il soit parti. Tout ce qu’ils veulent, c’est leur putain de fric ! Du coup Thierry, il aura pas ses doses. Ils vont pas les lui donner comme ça, tu parles, ils lâcheront pas la came pour rien. C’est pour ça qu’il est dans cet état Thierry. En manque |