C a t h e r i n e   V e r l a g u e t , auteure



Tête de Mur

Lansman 2017

Collection : Théâtre à vif



ISBN : 978-2807101616 - 11 €

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Monologue homme adulte

Il rentre chez lui dans cet appartement où ils ont vécu ensemble.
Elle est partie parce qu’il ne savait pas lui laisser de la place, lui qui est maniaque et qui a un rapport identitaire à son espace.

Maintenant qu’elle est partie, cet espace, douloureusement, jusqu’à la folie, il faut se le réapproprier.



(Cette pièce n'est actuellement pas en tournée)

Fabrique d'écriture

J’ai vécu avec un homme comme ça.
Je suis partie.
J’ai écrit ce texte parce que j’avais besoin de comprendre.
J’ai compris
qu’il n’y avait rien à faire.
Je suis partie.

Extrait

Lui :
J’ai tout construit, ici
De mes mains.
Je connais ces murs dans leurs moindres fissures.
Et ce sol et ce plafond.
Ces fenêtres
Tout de ces carreaux
Des joints et de l’isolation.

Je suis chez moi
ici,
chez moi !

Le téléphone sonne l’arrivée du message sur la boîte vocale.

Ils vont tous appeler maintenant
Bien sûr !
Toujours fourrer leur nez là où ça sent mauvais !

Rien d’autre à faire ?

Je connais, par exemple, les distances !
Comment tendre le bras, le torchon à la main
Pour qu’il arrive, ce torchon
Au niveau du crochet qui doit le recevoir !

Et la cafetière ?
La cafetière…

Ne t’inquiètes pas,
M’a dit un ami tout à l’heure,
Elle va bien,
Elle se sent soulagée.
Soulagée.

La cafetière…
Jamais tu n’as su la dose exacte d’eau à mettre dans cette cafetière pour remplir, le matin, nos tasses et le thermos de la journée,
qu’il ne reste, nos tasses et le thermos remplis, plus une goutte dans la cafetière.
Un jeu que je gagne, moi, à chaque fois
Pas compliqué quand même !
Première victoire de la journée.

Soulagée…

J’aurais dû lui dire d’aller se faire foutre…

Qu’est ce qui m’a pris « moi aussi !
Moi aussi, je vais bien !
Je me sens
Soulagé ! »

« Je sais », il a dit.
Il a dit, « c’est pour ça que je me permets de te donner de ses nouvelles
Pour que tu arrêtes de te faire du souci,
Parce que ça devient ridicule
Ce silence entre vous !
Vous avez tant de gens, en commun, et tout le monde est dans l’embarras, ne sait pas où vous en êtes et n’ose en parler alors
Si vous êtes soulagés tout les deux il serait temps
De soulager les autres du poids de votre séparation. »

Le con.

Il respire un grand coup, enlève ses chaussures et les range soigneusement. Elle est assise dans un tout petit coin.

Elle :
Il fait beau…

Lui :
Tout objet demande soin et temps.
Quand on connaît l’objet, on gagne un temps précieux.
L’ordre est un gain d’espace, le gain d’espace, un gain de temps.
Est-ce que ce con pense vraiment que je suis soulagé ?

Un ami, j’insiste, quelqu’un censé me comprendre au-delà des mots, qui aurait dû comprendre, oui, s’il était un ami, que lorsque je dis que je vais bien, dans certaines circonstances et dans celle-ci en l’occurrence, devrait comprendre que je vais mal !

Elle : 
Il fait beau…

Lui :
Quand on a si peu d’espace, c’est important de ne pas s’y éparpiller.
Personnellement
je travaille trop pour pouvoir me le permettre.
Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place
Ça laisse plus de place pour la vie
C’est ma devise.

Café.