C a t h e r i n e   V e r l a g u e t , auteure



Check Point Swan

in : théâtre en court 4 Editions Théâtrales jeunesses 2009


ISBN : 978-2842606992 - 9,90 €

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Un chœur de personnages adolescents.

Dans une petite ville, la mairie a fait construire un parc sans jeux pour les enfants. Les enfants trouvent ça injuste et ils s’ennuient. Alors ils inventent un jeu : check point swan – lancer des cailloux sur les cygnes qui se posent sur le lac. Les points sont comptés suivants la partie du corps du cygne qui est touchée. Evidemment, un groupe d’enfants s’opposent à ce jeu. Et puis il y a Inès, la plus grande, qui prépare sa campagne politique.

Un jour, il y a un accident : lapidé, un cygne meurt.

Eveil des consciences ou pas, les enfants s’affrontent et ne lâchent rien.

(Cette pièce n'est actuellement pas en tournée)

Fabrique d'écriture

J’ai besoin de la fiction pour affronter la réalité.

Ecrire est ma façon de réfléchir le monde, dans les deux sens du terme : au sens de le penser – et peut-être même de le panser, parfois - comme au sens d’en renvoyer une vision que je vous propose de partager. La fiction est un miroir qui permet de traverser la réalité sous différents angles et ainsi, de le questionner sous différents point de vus.

Pour la première fois de ma vie, je ne savais pas quoi écrire.

La difficulté d’écrire pour beaucoup de personnages, c’est qu’il faut que chacun ait une partition intéressante à jouer. Ça fait beaucoup de fils à tricoter. Une pièce écrite pour une douzaine de personnages, c’est comme un pull que l’on tricote à 12 aiguilles. J’avais plein d’idées, mais aucune ne s’imposait. Plein de fils, mais qui n’allaient pas les uns avec les autres.

Et puis cet été 2015 s’est passé ce qui s’est passé : ces milliers de gens fuyant désespérément leur pays pour échapper à Daech, refoulés aux frontières de ces pays pensant ne pas pouvoir accueillir toute la misère du monde… Et je me suis imaginée obligée de fuir ma maison, ma vie, frapper à la porte de gens qui me diraient : « non, désolé, vos enfants peuvent mourir, ce n’est pas notre problème. » Et j’ai pleuré. Le père de mes enfants est anglais. Dans son pays, les cygnes sont protégés car, de façon ancestrale, ils appartiennent à la reine. Et je me suis dit : « si j’étais un cygne et que j’étais persécutée dans mon pays, j’irai vivre en Angleterre, évidemment ! »

Voilà. La pièce est partie de là.

Ensuite, ça a coulé tout seul : le projet de la mairie, la frustration des enfants, l’arrivée des cygnes, ceux qui les persécutent, ceux qui tendent la main… sans oublier, en amont de tout ça, la vie des uns et des autres qui résiste à être bousculée.

L’écriture terminée, je sentais qu’il manquait quelque chose. Un besoin de recul. Inès s’est imposée comme un cri sourd, froid et réaliste. Sa partition s’est infiltrée avec l’évidence de ce ras-le-bol de langue de bois et de cette absolue nécessité de changements fondamentaux.

Extrait

(…)
LE CHOEUR
Là, avant, c’était un terrain vague.
Notre terrain vague.
On venait sauter dans les flaques, on jouait au foot dans la gadoue…
Et puis ils ont mis des grilles, des cadenas,  et un projet immobilier.
Z’ont collé des affiches sur la grille.
Des dessins, des plans, pour des grands bâtiments, des grands appartements.
Terrasses communautaires sur le toit !
Solarium ! Boutiques au rez-de chaussée !
Un service de garderie, pressing et superette à la Le Corbusier !
Le quoi ?
Le Corbusier !
C’est qui ?
Tu regarderas sur internet.
Nos parents en rêvaient !
Mais nous, en attendant, le terrain vague, on pouvait plus aller y jouer.
Comme si on allait abîmer leurs flaques !
Et puis il y a eu la crise.
Les affiches sont tombées, effondrées par la pluie.
Effondrées ! Comme leur projet immobilier !
La mairie a racheté le terrain pour une bouchée de pain perdu et entre nous c’était :
Qu’est ce qu’ils vont faire ?
Un super supermarché.
Mais non !
Mais si.
Mais non !
Et quoi alors ? Qu’est ce que t’en sais ?
Ma mère ! Elle travaille à la mairie.
Et qu’est ce qu’ils vont en faire alors ?
Un parc. Pour nous.
Avec des jeux ?
Z’ont pas l’budget.
Un terrain de foot ?
Z’ont pas l’budget !
Un panier de basket au moins ?
C’est pas prévu.
Un parc comment alors ?
A quoi ça sert, un parc, si on ne peut pas jouer dedans ?
Un parc avec des bancs.
C’est naze.
De l’herbe.
Et pour quoi faire, de l’herbe ? On va pas la brouter !
Ils nous prennent pour des vaches !
De l’herbe pour se rouler dedans.
« Pelouse interdite ! »
De l’herbe pour faire tapisserie ! Génial !
Et puis un lac aussi.
Avec de l’eau dedans ?
Bien-sûr, de l’eau ! T’es bouillie du cerveau ou quoi ? Un lac artificiel avec le l’eau dedans, évidemment !
On pourra se baigner !
« Baignade interdite. »
Super ! Un parc à regarder !
Il y aura des chemins ! On pourra se promener, faire du vélo, courir…
Un parc qui ne sert à rien.
Le grillage remplacé par des grilles en fer forgé. Avec portail grand luxe !
Wouahhh !
Et peint en vert, tout ça 
Ouverture spéciale pour la rentrée scolaire !
Il y a bien de l’herbe, là.
Et des bancs, là.
Et des chemins, là.
Et puis le lac, là.
Il est quand même grand, le lac, avec ses cygnes et ses canards !
PERRY - Qu’est ce qu’ils font là, les piafs ? Ils viennent d’où ? Ils étaient où, avant ? Pourquoi ils viennent là ?
ANITA – T’aime pas les oiseaux ?
PERRY – Pas le propos !
ANITA – Ils te font peur ?
PERRY - N’importe quoi !
ANITA - En quoi ils te dérangent le ciboulot ?
PERRY - Paraît que c’est méchant, les cygnes, que ça a des dents, que ça peut te faire un mal de chien hargneux ! C’est dangereux pour les enfants.
ANITA - Si tu les laisses tranquilles, ils ne t’embêtent pas.
PERRY - Et si j’ai pas envie de les laisser tranquille ?
ANITA – C’est ça : t’as un problème de ciboulot !
PERRY – Quoi ! On fait un lac pour des cygnes qui n’ont rien à faire là ! Et pas de jeux pour nous !

(…)